Journal ultralucide des Riches Douaniers n°6

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http://lesrichesdouaniers.org/envois/journal-06.htm

« Le peintre apporte son corps », dit Valéry, et Merleau-Ponty d'ajouter, « qui est un entrelacs de vision et de mouvement », dans L'Oeil et l'Esprit (folio essais n°13, p.16).

La tâche rouge sur la robe (détail) - Modèle : L'Infante par Diego Velázquez
Format :  200 x 250 - Les Riches Douaniers - 2008
 

Portrait de B.K. - Modèle : chanteur de Tokio Hotel
Format : 200 x 250 - Les Riches Douaniers - 2007
 


 

Vous pouvez vous photographier dans notre exposition "Dijon vu par Les Riches Douaniers".

Palais des Etats - salon Apollon - Dijon
Du 21 juin au 21 septembre 2008
De 10h à 13h et de 14h à 18h (sauf le lundi)
Entrée gratuite



 

La peinture cyborgienne des Riches Douaniers

Interview par Marie-France Vô, parue dans le Journal Sous Officiel de décembre 2007

M-F Vô : Vos travaux sont différents de ce qu’on peut voir dans la plupart des lieux d’art. Quel constat faites-vous donc en ce début de XXIème siècle ?

RD : Nous sommes effectivement quelque peu en dehors des normes d’une certaine modernité. L’art conceptuel, Fluxus et leurs dérivés ont clos les grandes aventures du XXème siècle débutées par Duchamp, Malevitch et tous les autres. Et en ce début de XXIème siècle, les produits dérivés, le "maniérisme à la manière" du XXème continue de remplir une partie des lieux de création. Les organisateurs ont encore dans leurs oreilles les résonances de ce XXème siècle. Certes nous ne disons pas que le maniérisme est mauvais, mais nous inventons un autre langage.

M-F Vô : Le sujet de vos travaux ne semble pas non plus s’apparenter aux œuvres numériques qu’on a l’habitude de voir ?

RD : Un certain nombre d’artistes expérimentent les nouveaux jouets numériques, s’émerveillant comme des enfants devant leur première tache de couleur. A partir de 2000, création des Riches Douaniers, nous avons aussi expérimenté les différentes possibilités du numérique (expositions virtuelles, GIF, Flash, 3D, kaléidoscope …). On peut voir une partie de ces premiers travaux sur notre centre de virtualité www.palaisdetokyo-2.com.

Mais un nouveau visage apparaît avec la puissance du numérique et une chose est sûre, les enfants et les jeunes adultes jouent et jouent et jouent. Dans les jeux, tous les mythes, toutes les vieilles histoires, se mélangent, se mixent. Leur identité historique est perdue. Dans le jeu, le joueur s’identifie aux héros qui n’ont plus de nom mais qu’une apparence générique. Le joueur devient un dieu d’un monde irréel avec son avatar. Il lui donne un nom, le façonne, choisit la couleur de ses yeux, de ses cheveux, la forme de son visage. Le joueur se construit ainsi une personnalité aux références imaginaires où le définissable n’est plus en mesure de se définir. Une nouvelle culture est née. Cette culture qui grandit avec ces accrocs, a oublié la renaissance européenne et ses nombreuses conséquences intellectuelles : manière de penser, organisation des idées. Cette nouvelle culture fait table rase des produits du XXème siècle.

Comme nous avons des racines dans ce monde de virtualité (l’un de nous est un spécialiste français du jeu de rôle), nous avons été embarqués dans cet univers mais avec le recul de la réflexion (l’autre est historien d’art par formation et connaît bien l’art du XXème siècle).

M-F Vô : J’ai pu voir sur internet que vous entreteniez l’histoire d’un héros. Est-il un personnage de jeu ?

RD : Nous avons créé notre propre personnage, comme dans les jeux, ni féminin ni masculin, dont nous alimentons l’aventure sur www.karapika.com. Et ce héros, protéiforme, emprunte son visage aux héros des jeux. Ainsi il devient reconnaissable par tous. Mais de plus, nous développons un travail appelé « Héroïc Painting », à partir de cette culture grand public, dont on peut voir des tableaux numériques sur www.karapika.com/slime et qui ne font pas partie de l’histoire de notre héros. Nous fabriquons aussi des machinimas, vidéos réalisées à partir du monde des jeux.

Dès le premier contact avec l’Héroïc Painting, tout adepte du jeu n’est plus étranger au sujet et se sent dans son quotidien. On peut même élargir cette reconnaissance à tous ceux qui « subissent » cette nouvelle civilisation, sans être joueur.

Nous prenons parfois le réel pour modèle pour le réintégrer dans le monde virtuel du jeu. Actuellement nous réalisons même une série de portraits de Bill, chanteur de Tokio Hotel, car ce personnage est, par son apparence, une incarnation de ce monde.

M-F Vô : Votre technique qui semble très personnelle n’a-t-elle pas quelquefois des échos avec la peinture ancienne ?

RD : Nous avons mis au point une technique numérique que nous appelons « CyborgPainting », précédemment nommée « Slime ». Nous utilisons un périphérique de saisie pour peindre notre Héroïc Painting, mais sans singer la peinture traditionnelle, sans nous suffire des outils automatiques du numérique, ce que pourrait faire un adepte de Duchamp, héritier du XXème siècle. Pour nous, le stylet manipulé transmet la pensée à la machine avec le pouvoir du numérique pour malaxer une matière faite de millions de pixels. Ainsi, comme dans la peinture ancienne, l’humain est présent, semble échapper à la machine et s’introduit dans la richesse de l’imagerie numérique. La machine ne fait que saisir avec une acuité extrême la pression, la rapidité, la précision du geste qui s’immisce, parcourt, se faufile dans les méandres des pixels. Une nouvelle peinture qui s’affranchit de la matière traditionnelle naît sur l’écran pour écrire avec la matière lumière. Nous sommes en face d’une peinture « améliorée », celle de peintres cyborgiens démiurgiques (sourires). On va finir par une phrase mi-sérieuse mi-ironique : les limites de la finitude humaine sont repoussées toujours plus avant par la CyborPainting.

Marie-France VÔ
Journal Sous Officiel  (Marseille), décembre 2007

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Les Riches Douaniers

Héroïc Musique

La musique de cette page est extraite de « Ebouriffé et rêveur », présentée à "Digital Media" (avril-mai 2008, Valence, Espagne) et qui sera présentée à "FILE - Electronic Language International Festival" (août 2008, Rio de Janeiro, Brésil).